Professeur G., enseigne la géo du lundi au jeudi, sur rendez-vous.

Aujourd’hui, nous rencontrons Fernand. Fernand vient nous parler de l’organisation du système éducatif dans son pays. Petite mise en perspective.

Dans le pays de Fernand, les enseignants ont obtenu, grâce à une lutte sans merci de leur syndicats de défense de l’enseignement libéral, un statut protégé d’enseignants libéraux. Ils ont le droit de s’installer où ils veulent dans le pays, et certains ont même le droit de fixer les honoraires qu’ils veulent, sous certaines conditions. Comme l’Education est un service public auquel tout le monde doit avoir accès dans la République de Fernand, les cours dispensés sont remboursés par la sécurité sociale (branche Assurance Education). Bon… Certains professeurs secteurs 2 ne sont pas entièrement remboursés, mais il est possible de souscrire à une mutuelle pour rembourser le reste à charge (si vous n’êtes pas trop vieux ou trop pauvre). Certes, cela peut être compliqué d’avancer les frais pour les cours des trois enfants en septembre en attendant le remboursement. Mais c’est ainsi que la liberté d’enseigner survit.

Dans une grande ville de la Côte d’Azur, on ne trouve pas moins de dix professeurs de sciences physiques dans la même rue! Ils sont tous d’excellent niveau. Leurs honoraires dépassent le forfait Sécurité Education, mais cela ne dérange pas les habitants. Il paraîtrait qu’en banlieue parisienne, on cherche des professeurs de physique. Dommage que cela soit si mal réparti. Enfin, on ne va tout de même pas forcer les professeurs à aller ici ou là.

Voici Elodie, mère de deux enfants. Elle n’a pas réussi à trouver de rendez-vous de cours de français pour son plus jeune fils avant six mois. Il faudra attendre, c’est tout. Elle nous confie qu’il n’est pas toujours évident d’emmener sa progéniture d’un cours à l’autre. Entre le cours d’Espagnol et le cours de Sciences Naturelles, il y a parfois plusieurs kilomètres à faire. On s’organise avec le covoiturage. Certains professeurs parlent de s’organiser en structure collective pour simplifier les choses. Mais, comme le dit le représentant de l’UFEL (Union Française pour un Enseignement Libre), pas question que l’Etat s’en mêle! Chaque enseignant doit rester maître de ce qu’il fait et d’où il s’installe, pas question de commencer à organiser des écoles ou des collèges gratuits, qui emprisonneraient les enseignants dans une dictature communiste! L’enseignement est un art! L’enseignant doit rester un artiste libre!

Certains professeurs de mathématiques ont préféré en rester au boulier, opposés à la dictature du tout numérique. Des parents ont voulu s’en plaindre auprès de l’Ordre des Professeurs. Mais comme il n’y avait pas de problème de non confraternité, ils n’ont pas bougé. La Sécurité Sociale a alors du mettre en place des incitations financières pour que les enseignants se mettent à jour. A chaque fois qu’ils font un cours qui correspond au programme, ils cochent une case, et ils peuvent alors toucher une prime spéciale: la ROEP (Rémunération sur Objectif d’Education Publique). C’est comme ça que le prof d’anglais de Fernand a fait construire sa piscine.

On comptait malheureusement de nombreuses personnes qui avaient tout simplement renoncé à l’école. Car c’était toujours trop loin, trop cher, trop compliqué.

Heureusement dans ce pays, tout n’était pas aussi mal organisé. Il y avait par exemple des petites cliniques publiques qui quadrillaient tout le territoire, de façon à ce que chacun soit à moins de trois kilomètre de l’une d’elles. On pouvait y consulter tous les jours des médecins généralistes ou spécialistes, gratuitement et presque sans délai. Les médecins étaient recrutés sur concours par le service public, avec un salaire fixe, leurs postes répartis en fonction de la population.

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Conclusion: Il s’agit d’une petite réflexion farfelue sur la sacro sainte organisation libérale de la médecine générale en France. A propos de ce parallèle un peu tiré par les cheveux: bien sûr, notre système éducatif est actuellement attaqué de toutes parts pour justement tirer de plus en plus vers un modèle marchand libéral, et le système actuel de répartition national des enseignants sur leurs postes est très loin d’être un idéal… Mais tout de même, on peut se poser cette question: pourquoi des médecins estiment normal d’avoir toujours une école publique gratuite à proximité pour leurs enfants, mais anormal d’avoir le même type de service pour la santé?

Lectures:

-La médecine libérale en France. Une régulation située entre contingence et déterminisme, Nicolas Da Silva et Maryse Gadreau, La Revue de la régulation. Capitalisme, institutions, pouvoirs, 2015. https://journals.openedition.org/regulation/11120

-Repenser les soins primaires en Europe : comparaison des différents systèmes de soins primaires
Emeline Nys, Thèse de Médecine, 2008. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00633555/document

-Trois modèles types d’organisation des soins primaires en Europe, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, IRDES, Questions d’économie de la Santé, 2009 https://www.irdes.fr/Publications/Qes/Qes141.pdf

-Comment les soins primaires peuvent-ils contribuer à réduire les inégalités de santé ? Questions d’Économie de la Santé https://www.irdes.fr/Publications/2012/Qes179.pdf

-Les systèmes de santé nationaux du nord de l’Europe et l’influence des modèles libéraux durant la crise des années quatre-vingt-dix, S. Chambaretaud, D. Lequet-Slama, Revue des affaires sociales, 2003. https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2003-4-page-399.htm

3 commentaires

  1. Excellent parallèle ! Je suis enseignante en primaire, donc polyvalente, et j’ai plusieurs fois évoqué ce parallèle avec mon médecin généraliste.
    Les conditions de travail, la rémunération et la proximité avec les patients/élèves ne sont pas les mêmes entre généralistes et spécialistes. Mais rien ne me ferait passer d’un secteur à l’autre.

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  2. Vos écrits sont tellement prévisibles …
    Le parallèle avec les enseignants n’est pas si pertinent que cela quand on sait que les plus inexpérimentés sont souvent affectés aux postes les plus difficiles, et quand on connait le peu d’implication de certains enseignants dans leur mission. C’est le problème de la généralisation au service de la théorie que l’on veut démontrer.Et je ne disserte pas sur la perte d’efficience de notre modèle éducatif.
    Le modèle libéral en médecine générale n’a pas été si improductif que cela jusqu’à il y a peu, avec un principe simple : l’état n’investit rien, et le libéral gagne sa vie en fonction du nombre d’heure qu’il consacre à son travail. Moyennant quoi, à l’instar des commerçants et d’autres professions libérales, le modèle n’est intéressant qu’en travaillant au moins 10 h/jour, sans compter que la disponibilité était nécessaire; les gardes de nuit et de week-end étaient la règle.
    Les choses ont évoluées, il y a de moins en moins de médecins libéraux à investir dans leur outil de travail : ils viennent plutôt en location de structures (immobilières et employés) financées par les collectivités. Les heures de travail sont moindres et la disponibilité suit. Je n’ai pas de jugement la dessus, je constate, et de fait le libéral en médecine attire de moins en moins, témoins le peu d’installation actuelle, et le retard à l’installation des jeunes générations.
    Les difficultés actuelles d’accès aux médecins généralistes et spécialistes, libéraux, mais aussi aux médecins hospitaliers publics sont la résultante de la pénurie organisée de médecins par les politiques gouvernementales gauche comme droite. Le statut libéral n’est pas en cause, sinon pourquoi serai ce un phénomène récent alors que le libéral est la règle pour la médecine de ville (généralistes et spécialistes hors hôpital) depuis la dernière guerre ?

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